Conférence « Ensemble on fait quoi ? » sur la prévention de la radicalisation : témoignage de Mourad BENCHELLALI
Vendredi 24 janvier 2020, le collectif « Ensemble on fait quoi ? » a relancé ses conférences sur les thématiques du malaise identitaire des jeunes et des phénomènes de radicalisation. Des rencontres à destination des professionnels et des habitants, pour permettre de donner des repères, questionner les pratiques, susciter le débat (www.ensembleonfaitquoi.fr).
Un témoignage édifiant
C’est Mourad BENCHELLALI, auteur des livres Le piège de l’aventure et Voyage vers l’enfer, aux éditions Robert Laffont, qui a ouvert ce nouveau cycle. A l’IRTS, devant 140 professionnels et acteurs institutionnels, puis au Centre social Roger Salengro de Lille Fives, avec des jeunes et habitants du quartier. Il a livré un témoignage édifiant sur son parcours : comment à 19 ans, d’une vie calme et rangée dans son quartier des Minguettes à Vénissieux, il s’est retrouvé, en juin 2001, enrôlé dans un camp d’entraînement terroriste d’Al Qaïda en Afghanistan, pour finir emprisonné pendant 2 ans et demi à Guantánamo, puis 2 ans et demi à Fleury-Mérogis.
« Je ne n’étais pas parti pour Dieu, j’étais parti pour moi »
Mourad explique comment son inconscience l’a mené là où il n’aurait jamais du se trouver, quelques semaines avant les attentats du 11 septembre 2001. Les raisons qui l’ont poussé à partir n’étaient ni le jihad, ni la haine de la France ou de l’Occident, mais une envie d’aventure, la curiosité pour un pays lointain, inconnu et mystérieux, dont son grand frère, qu’il admire, lui disait le plus grand bien. Les conséquences de sa naïveté et de son manque d’informations furent dramatiques : l’enfer de la prison, l’éclatement de toute sa famille, le sentiment de culpabilité suite à l’emprisonnement et l’expulsion de ses parents.
Témoigner pour prévenir la radicalisation des plus jeunes
Innocenté depuis, il a réussi à se reconstruire et oeuvre désormais auprès des professionnels et des jeunes, avec l’Education Nationale et la Protection Judiciaire de la Jeunesse, pour tenter de prévenir les dérives vers la violence d’inspiration islamiste. En partageant son expérience, il espère qu’elle puisse être utile à ceux tentés de tomber dans le même piège que lui : « Le témoignage, c’est du réel, ça parle aux jeunes ». Car si les étiquettes ont changé, les circonstances internationales évolué, les mécanismes sont les mêmes et son histoire reste terriblement actuelle. Son parcours est aussi un message d’espoir : il montre qu’il est possible de se relever d’une telle expérience et de retrouver une place dans la société.
Des débats riches
Rencontre au Centre social Roger Salengro à Lille Fives Les discussions se sont poursuivies avec les jeunes
Les échanges ont été nombreux et très riches. Mourad n’a eu de cesse de répéter qu’« il n’y a pas de questions tabous, qu’il faut parler de tout ». Car comment déconstruire les discours de haine, comment lever les ambiguïtés et les peurs ? Par le dialogue, et en n’évacuant surtout pas la question religieuse : « Il faut en débattre, ramener l’interprétation des textes du Coran à leur contexte historique, avec des personnes pédagogues, qui connaissent le sujet, crédibles, capables de déconstruire l’idéologie jihadiste ».
Nul besoin d’être foncièrement mauvais ou violent pour se retrouver en situation d’embrigadement : Mourad n’était lui-même pas un radicalisé, ni un jihadiste, pourtant il a connu un parcours de radicalisation, puisqu’il a été en contact direct avec des jihadistes. Il n’était pas une victime non plus, il est clair là-dessus : « j’aurais du mieux m’informer ». Ceux qui partent aujourd’hui en Syrie ont certes beaucoup plus d’informations que ceux qui partaient en Afghanistan avant le 11 septembre 2001, « mais ils ont surtout de mauvaises informations ».
« La radicalisation, c’est s’enfermer dans une identité unique et en exclure tout le reste ». La question du malaise des jeunes et de leur recherche d’identité est primordiale : « Dans le débat public on ne parle que de sécurité, mais l’enjeu est aussi de recréer une identité commune. On ne pourra pas sortir de la radicalisation sans passer par ce travail ».
Retrouvez l’intégralité de la conférence en vidéo sur le site : www.ensembleonfaitquoi.fr.
Rendez-vous dès à présent pour la prochaine conférence : le 17 mars 2020, avec Hugo Micheron, auteur du livre Le Jihadisme français. Quartiers, Syrie, prisons. Inscriptions sur le site www.ensembleonfaitquoi.fr