Conférence de Bruno MICHON : « Spiritualité et religion dans le travail éducatif »
Mardi 4 avril 2023, le collectif « Ensemble On Fait Quoi ? » a eu le plaisir de recevoir, aux IRTS d’Arras et de Loos, Bruno MICHON, sociologue, chargé de recherches et de développement à l’IRTS de Strasbourg et maître de conférences à l’Université de Strasbourg.
Le thème de cette conférence : « Spiritualité et religion dans le travail éducatif ». Quelle est la place de la religion dans le travail social ? Y a-t-il un problème ? L’objectif était de donner des clés aux travailleurs sociaux pour mieux appréhender la question de la religion dans l’accompagnement des publics et d’interroger l’image que nous nous faisons de la religion.
Une conception souvent négative de la religion dans le travail social
« Tout semble témoigner de l’impossibilité de penser la religion de manière apaisée dans le travail social. » – Bruno MICHON
D’où cela vient-il ?
L’histoire du travail social est celle d’une lente émancipation de la tutelle religieuse et chrétienne dans notre pays. Cette émancipation s’inscrit dans le prolongement de deux phénomènes fondamentaux : la sécularisation et la laïcisation.
1- La sécularisation :
« La sécularisation, c’est l’autonomisation progressive des différentes sphères sociales d’avec la sphère religieuse. La sécularisation permet et développe le discours anticlérical et anti-religieux. » – Bruno MICHON
Dans une société non sécularisée, le religieux domine toutes les sphères sociales : le politique (le pouvoir est légitimé par le religieux), le droit (le droit religieux prime sur le droit civil) et le travail social.
Le travail social est issu d’institutions de charité dominées par des règles, une éthique, une pensée religieuse.
Que signifie être travailleur social dans une société sécularisée ?
Dans une société sécularisée, la religion n’est plus qu’une sphère sociale parmi d’autres, aux côtés du travail social, du politique, du droit, qui se sont émancipés de cette tutelle.
La sécularisation, c’est aussi un discours et des actes sur le souhait de cette émancipation, voire d’une disparition du religieux. Des penseurs du 19ème siècle affirmaient que l’humanité serait bien plus heureuse sans religion, ce qui va impacter de manière fondamentale le secteur du travail social.
« Combien de travailleurs sociaux m’ont déjà dit : ‘Cela serait tellement plus simple si les personnes que nous accompagnons n’étaient pas croyantes’. Or, ces discours représentent un obstacle à l’émancipation des publics que l’on accompagne.
C’est tout le paradoxe de la place du religieux dans le travail social : nous en sommes issus mais nous sommes incapables de le penser de manière sereine. Nous avons grandi dans une société tellement sécularisée, dans laquelle la religion et la foi n’occupent plus qu’une place infime, que nous avons aujourd’hui beaucoup de mal à comprendre l’importance de la religion pour certaines personnes. » – Bruno MICHON
2- La laïcisation : que signifie être travailleur social dans un régime laïque ?
Pour les sociologues, la laïcisation est l’émancipation de la sphère politique par rapport à la sphère religieuse. La laïcisation c’est donc l’émancipation de l’État vis-à-vis de la tutelle religieuse.
La laïcité, comme on nous l’apprend à l’école, est un concept que nous relions beaucoup aux pères fondateurs de la laïcité : Jules Ferry et la loi de laïcisation de l’enseignement en 1882, Aristide Briand et la loi de séparation des Eglises et de l’Etat de 1905. Or, quand on regarde les livres des années 1882 et 1905, la laïcité apparaît peu. Par contre, à partir de l’année 2004 et la loi contre le port de signes ostentatoires à l’école, elle est évoquée partout.
La laïcité n’a jamais été autant discutée qu’aujourd’hui. Même lors de la IIIème République, qui est la mère de la laïcité, ce concept n’était pas aussi central.
Le problème de la laïcité est qu’elle n’a pas de définition dans le droit. De ce fait, il en existe plusieurs interprétations, ce qui explique aussi cette difficulté à penser la religion dans le travail social. La laïcité n’est pas un phénomène monolithique.
Jean BAUBÉROT, historien et sociologue de la laïcité, distingue plusieurs interprétations de la laïcité qui s’affrontent dans l’arène publique française depuis la IIIème République 1). Il résume cette tension entre deux pôles, qui polarisent les débats :
- Le pôle libéral : orienté vers la liberté de conscience. Le travailleur social permet aux personnes qu’il accompagne d’exprimer et de développer leur liberté de conscience.
- Le pôle républicain : orienté vers l’émancipation. Le travailleur social permet aux personnes qu’il accompagne de s’émanciper de ce qui les empêche d’être libre et de ce qui les aliène. Or, la religion est souvent perçue comme aliénante, le rôle du travailleur social serait donc de libérer de la religion les personnes qu’il accompagne.
Huit interprétations de la laïcité
De cette opposition entre deux pôles, Jean BAUBÉROT distingue sept interprétations de la laïcité qui s’affrontent. Bruno MICHON les transpose ici au travail social et en ajoute une huitième :
1- La laïcité émancipatrice :
Pour les partisans de la laïcité émancipatrice, certaines interprétations et pratiques de la religion empêchent l’individu d’être libre et émancipé. Le rôle de l’Etat est donc de permettre à chaque citoyen·ne d’être libre de penser par lui/elle-même, quitte à lutter contre certaines pratiques et interprétations de la religion.
Dans le cadre de l’intervention sociale : il s’agit d’émanciper les personnes accompagnées de ce qui les empêcherait de devenir des citoyen·ne·s éclairé·e·s.
Exemple : Kévin s’intéresse à l’Islam et aimerait emprunter un Coran à la bibliothèque. Le travailleur social invite Kévin à lire autre chose, qui n’a pas de lien avec la religion.
2- La laïcité de contrôle :
Pour les partisans de la laïcité de contrôle, il convient de contrôler étroitement les religions afin d’éviter toute dérive. Le rôle de l’Etat est donc de mettre en place des garde-fous qui permettent de surveiller les institutions religieuses.
Dans le cadre de l’intervention sociale : on accepte d’accompagner une personne sur les questions religieuses, mais avec une certaine méfiance et tentant de conserver le contrôle sur sa pratique religieuse.
Exemple : Kévin s’intéresse à l’Islam et aimerait emprunter un Coran à la bibliothèque. Le travailleur social propose d’accompagner Kévin et reste à ses côtés pour éviter les « dérapages » (posture de méfiance).
3- La laïcité séparatrice stricte :
Pour les partisans de la laïcité de contrôle, les institutions religieuses ne sont pas des interlocuteurs acceptables pour l’Etat. Cela remettrait en cause la
séparation des Eglises et de l’Etat. Elle milite contre toute forme de signe religieux dans l’espace public mais refuse de légiférer au nom de la liberté de
conscience. Une « neutralité d’indifférence » est privilégiée. Elle ne considère que les citoyens et non les collectifs, au nom de l’égalité et de l’universalité.
Dans le cadre de l’intervention sociale : on laisse la personne accompagnée libre de pratiquer et de développer ses croyances sans s’en préoccuper.
Exemple : Le travailleur social affirme que la religion ne concerne pas du tout son travail. Kévin peut donc faire ce qu’il veut, sans aucun accompagnement sur ce point du travailleur social.
4- La laïcité séparatiste inclusive :
Pour les partisans de la laïcité séparatiste inclusive, les institutions religieuses constituent des interlocuteurs possibles pour l’Etat dans des instances de consultation. Elle reste stricte sur la séparation entre l’Eglise et l’Etat et accepte d’intégrer une dimension collective, plus souple sur les conditions concrètes de sa réalisation. Le pluralisme est encouragé et une « neutralité de respect » encouragée.
Dans le cadre de l’intervention sociale : on accepte d’entendre les besoins en accompagnement spirituel et on laisse les personnes pratiquer. On oriente les personnes vers des responsables du culte concerné.
Exemple : Le travailleur social accepte de parler de la religion qui intéresse Kévin, tout en estimant que ce n’est pas son travail et qu’il y a des gens plus expérimentés que lui sur la question. Il oriente Kévin vers un imam, un aumônier, un rabbin…, pour l’accompagner sur ce sujet.
5- La laïcité ouverte :
Issue d’une proposition de Paul Ricoeur 2, la laïcité ouverte caractérise une laïcité laissant une place aux religions dans le débat public et dans l’organisation des relations cultes-Etat. La laïcité serait le terrain sur lequel pourraient s’affronter des conceptions divergentes de la « bonne » société. Paul Ricoeur exprime ici son souhait de voir les écoles privées intégrer l’école républicaine, tout en laissant à chaque école une certaine autonomie vis-à-vis de l’Etat.
Dans le cadre de l’intervention sociale : les représentants des divers cultes sont invités dans l’établissement à présenter leurs religions, afin de permettre aux personnes de se faire une idée et de nourrir la discussion. Les religions sont accueillies favorablement.
Exemple : Proposer à Kévin de rencontre plusieurs représentants religieux pour qu’ils puissent chacun présenter leur religion et que Kévin puisse faire un choix.
6- La laïcité identitaire :
Pour les partisans de la laïcité identitaire, la neutralité de l’Etat ne peut s’appliquer de la même manière pour toutes les religions. Les « racines » chrétiennes de la France implique un traitement différencié des religions judéo-chrétiennes et des autres religions. Ces dernières font partie du
patrimoine et de la culture française.
Dans le cadre de l’intervention sociale : on accepte de fêter les fêtes religieuses d’origine chrétienne et passées dans la culture française, mais pas forcément les autres fêtes.
Exemple : On trouve ça normal de mettre un sapin de Noël dans les locaux, mais de ne rien faire pour l’aïd.
7- La laïcité concordataire :
Tout d’abord, pour les constitutionnalistes, indivisibilité ne signifie pas uniformité. La laïcité concordataire s’exerce sur les trois départements alsacien et mosellan. Ce modèle de laïcité « partenariale » laisse une grande place aux religions dans l’éducation et permet de financer les cultes. Certains souhaitent diffuser ce modèle en dehors de l’Alsace-Moselle.
Dans le cadre de l’intervention sociale : on laisse une plus grande place aux religions dans l’organisation du travail social. On considère les religions comme un acteur important de la société.
Bruno MICHON ajoute cette huitième interprétation de la laïcité :
8- La laïcité multiculturelle :
Pour les partisans de la laïcité de reconnaissance, l’universel ne peut être atteint que par le respect des différences et des particularismes. Autrement dit, le différent prime sur le commun, là où dans les autres types de laïcité le commun passe avant le différent. Les religions et d’autres types d’identités particulières (ethniques, culturelles…) doivent être reconnues et vectrices d’intégration.
Dans le cadre de l’intervention sociale : les identités religieuses et culturelles sont reconnues et valorisées. Elles constituent l’un des fondements de l’accompagnement et il faut d’abord reconnaître les particularités de chacun.
Ceux qui sont contre appellent cela du communautarisme, et en France, on a très peur du communautarisme.
Selon Bruno MICHON, ces différentes interprétations montrent qu’on ne peut pas avoir une conception monolithique de la laïcité. La laïcité n’est pas nécessairement la neutralité. Elle peut l’être, mais ça n’est qu’une interprétation parmi d’autres . Or, en France, on préfère éviter le débat, d’autant plus dans le travail social. Pourtant, en équipe éducative, le jour où il y a une situation, si on ne s’est pas mis d’accord sur une définition et une interprétation communes de la laïcité, cela risque d’exploser.
« Il est bon qu’une société débatte. Réfléchir à ces 8 interprétations de la laïcité en équipe éducative permettrait de se mettre d’accord sur ce que l’on souhaite vraiment dans l’association : c’est quoi notre laïcité ? La réponse n’est pas forcément l’une des huit interprétations, mais plutôt un mélange de plusieurs. Il est donc important de réfléchir ensemble et de débattre, plutôt que de se laisser imposer une conception de la laïcité que l’on n’aurait pas choisie. » – Bruno MICHON
La plupart des associations interprètent la laïcité comme simplement une neutralité. Mais c’est une compréhension de la laïcité très partielle et très souvent juridiquement fausse.
La laïcité a toujours été un débat
On a tendance à idéaliser la IIIème République, avec ses « hussards noirs », en imaginant une laïcité simple et unique. or c’est faux. Jules Ferry et Aristide Briand étaient pris en tenaille entre une extrême gauche hyper anticléricale et une extrême droite catholique monarchiste. Ils ont donc préféré faire voter ces lois avec les catholiques modérés plutôt qu’avec l’extrême gauche. Car leur grande peur était de réactiver la « guerre des deux France » (France catholique contre France républicaine, guerre née de la Révolution Française). Pour éviter cela, il fallait un compromis. C’est ce que Jean Baubérot appelle le « pacte laïque ».
« Si eux ont réussi à faire des compromis au 19ème siècle, pourquoi n’arriverions-nous pas à le faire aujourd’hui dans le travail social ? » – Bruno MICHON
Prenons l’exemple des deux premiers articles de la Loi de Séparation de l’Eglise et de l’Etat de 1905 :
L’article premier explique que le rôle de l’Etat est de permettre à chaque citoyen et citoyenne la liberté de conscience et la liberté de culte. Où est donc la séparation et la neutralité ? Ce n’est pas ce qu’il y a écrit dans ce premier article.
L’article second, dans sa première phrase, sépare (« la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte »). Mais il y a déjà une ambivalence et un paradoxe : comment permettre d’être libre en conscience et de pratiquer un culte en n’en reconnaissant aucun ? Cette ambivalence laisse la place à de multiples interprétations différentes.
Dans la deuxième partie de ce second article, un indice concerne les travailleurs sociaux sur comment cela doit peut-être s’interpréter. Dès cet article 2 de la loi est précisé que l’Etat va reconnaître et financer des cultes dans un certain nombre de cas, notamment dans des lieux d’enfermement : si un citoyen ou une citoyenne ne peut pas exercer son culte parce que malade, en prison, en asile, l’Etat fera venir le culte à lui/elle.
« Je trouve que cela dit quelque chose de notre rôle de travailleurs sociaux dans la laïcité. Si? par exemple? un jeune est en MECS, il ne peut pas aller au culte, n’est-ce donc pas au travailleur social de faire venir le culte à lui ? » – Bruno MICHON
La loi de Séparation de l’Eglise et de l’Etat n’est pas du tout une loi anticléricale ou antireligieuse. C’est une loi d’émancipation de l’Etat vis-à-vis des religions.
La place de la spiritualité et de la religion dans le travail social
« Le souci dans le travail social, c’est qu’on ne parle de la religion que lorsqu’elle pose problème. » – Bruno MICHON
Bruno MICHON reprend les 5 dimensions de la religiosité selon Charles GLOCK3 (1993) :
- La dimension intellectuelle : la religiosité est une réflexion sur la foi, sur les conséquences de la foi dans la vie.
- La dimension idéologique : la manière dont la foi impacte les croyances, la vie sociale, etc.
- La dimension rituelle : la religion propose un cadre, des actes rituels, qui permettent de rentrer en communication avec le divin.
- La religion a des conséquences séculières : toute religion a des conséquences sur la vie que l’on mène (ex : l’éthique protestante et l’esprit du capitalisme)
- La dimension expérientielle: la religion, c’est une expérience, c’est de la foi. Lorsqu’on interroge les croyants, c’est cette dimension qui vient en premier : la religion leur fait du bien.
Cette dernière dimension expérientielle est essentielle. Le problème, en France et particulièrement dans le travail social, est qu’on a du mal à penser la religion dans sa dimension expérientielle. Or, lorsqu’on se concentre uniquement sur la dimension pratique du religieux, on se coupe d’une partie importante qui est le concept de spiritualité.
Ce terme « spiritualité » est très pratique pour ôter la charge polémique de la religion. En fait, la spiritualité c’est de la religion, désinstitutionnalisée certes, mais cela reste du religieux.
Il faut donc comprendre qu’il est possible, et même parfois important, de s’appuyer sur la spiritualité et la religion pour accompagner une personne.
De quoi parle-t-on quand on parle de religion dans l’intervention sociale ?
Le boom de la réflexion sur la laïcité correspond exactement au boom de la réflexion sur l’Islam. Avec ce que Jean BAUBEROT appelle une « remise en cause du pacte laïque ». 1989 : première affaire du foulard à l’école. Et depuis, on ne s’en sort plus, on ne sait pas quoi faire.
« Quand j’interviens dans les équipes éducatives, dans 90% des cas, les situations qu’on m’amène sont liées à l’Islam » – Bruno MICHON
Pourquoi cette attention sur l’Islam ?
En 1995, le philosophe Joël ROMAN4 propose 4 explications :
- Des raisons géopolitiques : la montée en puissance de mouvements fondamentalistes et djihadistes à l’échelle de la géopolitique mondiale (révolution iranienne en 1979, montée en puissance de l’Arabie Saoudite, attentats du 11 septembre 2001…).
- Une essentialisation d’une religion perçue comme « étrangère » : en France, on a toujours eu du mal à reconnaître que l’Islam est une religion française.
- La question des banlieues et la crainte du communautarisme.
- La question de l’école et de la laïcité. C’est édifiant de voir à quel point l’école est corrélée à la question de la laïcité et de l’Islam. L’origine même de la crise du foulard en 1989 se situe dans l’école.
Et le travail social hérite de tout cela, de cette « panique morale » vis-à-vis de l’Islam, de notre incapacité de penser de manière apaisée cette question.
Bruno MICHON distingue 4 situations professionnelles classiques dans lesquelles la question religieuse émerge :
- Les revendications religieuses : un certain nombre de jeunes revendiquent une identité religieuse et se retrouvent face à des éducateurs sécularisés pour qui, au mieux, la religion est un « truc » dépassé, et au pire, un « truc » qui « nuit gravement à la santé ». Ces éducateurs se demandent si cet intérêt pour la religion est une manière pour le jeune de « chercher la rupture ».
- Le soupçon de communautarisme : dans une République universaliste, une et indivisible, le communautarisme est très mal perçu. Or, précise Bruno MICHON, le communautarisme est très compliqué à prouver scientifiquement.
- Le fondamentalisme religieux : il est compliqué car il pose des questions existentielles aux valeurs du travail social. A quel point une société peut accepter des personnes qui ne partagent pas les valeurs majoritaires de la société dans laquelle elles vivent ? C’est une question démocratique essentielle. A cette question, le travailleur social est bien embêté, puisque sa mission est d’accompagner les personnes de façon inconditionnelle. On assiste sur cette question à des pratiques très divergentes. Or, il existe de multiples manières d’être rigoriste. On confond souvent intégralisme (= tout dans la vie est pensé religieusement, c’est le contraire de la sécularisation) et intransigeantisme (= rapport aux autres qui ne partagent pas la même conviction religieuse). Des personnes hyper intégralistes peuvent être très ouvertes à l’altérité, et inversement, des jeunes qui connaissent très peu la religion mais font la morale à ceux qui ne partagent pas leur religion. Et même entre coreligionnaires, le rapport à l’altérité diffère. Donc en fonction des situations, on n’accompagne pas de la même manière.
- La Prévention et la lutte contre la radicalisation.
Vers un apaisement ?
Si le travail social hérite d’une méfiance vis-à-vis du religieux, l’évolution actuelle de la société française oblige à dépasser cette méfiance.
« Le concept de spiritualité permet de désamorcer la charge polémique de la religion. Il ne s’agit pas d’assoir l’accompagnement sur la spiritualité, mais d’accepter le religieux et le spirituel comme partie intégrante de la personne que l’on accompagne, à l’image des autres dimensions de son identité. Cette prise en compte de la dimension spirituelle s’inscrit dans une exigence qu’est notre société multiculturelle. Autrement dit, ignorer cette dimension, c’est amputer l’autre d’une partie de ce qui le définit. » -Bruno MICHON
A partir de cela, nous pouvons identifier plusieurs situations dans lesquelles nous pouvons intégrer la dimension spirituelle dans l’accompagnement :
- Dans l’accompagnement de jeunes en quête spirituelle et/ou religieuse : Déontologiquement, le travailleur social doit répondre aux besoins des personnes qu’il accompagne et le besoin spirituel peut être l’un de ces besoins exprimés.
- Dans le travail en partenariat avec les cultes : dans le territoire, les équipes éducatives ont tendance à connaître tout le monde, sauf les représentants de cultes. Or, les cultes doivent être considérés comme des partenaires comme les autres.
« Il faut arrêter d’aller voir les représentants des cultes que lorsqu’il y a un problème, ces personnes peuvent aussi nous aider en amont dans l’accompagnement. » – Bruno MICHON
- Dans le dialogue interreligieux.
« Si notre société est sécularisée et se construit en dehors du religieux, l’éthique de l’intervention sociale nous oblige à sortir du confort que représente la posture de méfiance vis-à-vis du religieux et nous oblige à considérer la spiritualité comme une part vivante de l’autre. Parfois, la spiritualité et la religion peuvent être des leviers d’intervention, si simplement nous osons la considérer comme telle et apaiser notre regard. » – Bruno MICHON
Regardez la vidéo de la conférence :
- Histoire de la laïcité en France (PUF, 2021[↩]
- Paul Ricoeur (1913-2005) est un philosophe français[↩]
- Charles Y. Glock (1919 – 2018) est un sociologie Américain[↩]
- Voir la vidéo de sa conférence du 10 septembre 2015 sur le site www.ensembleonfaitquoi.fr[↩]